Aller vers un quotidien plus vert comporte le risque d’être vécu comme un retour en arrière. Par rapport au confort moderne, et surtout par rapport à la condition des femmes. Dans les foyers où une femme est présente, c’est elle qui porte la plupart du temps la charge mentale supplémentaire associée à une démarche écolo familiale. Il suffit de regarder le genre majoritaire des publics sur les blogs « verts », sur les sites de discussion de ce sujet, les auteurs ou acheteurs de livres de DIY. Ou il suffit tout simplement de taper « charge mentale écologique » dans un moteur de recherche pour tomber sur des articles de fond sur le sujet…
Egalité homme-femme : il y a encore du chemin à faire
Disclaimer prudent pour éviter tout débat « à côté » et toute sensation de culpabilité ou besoin de se justifier chez les hommes qui me liraient…
Car je ne parle sans doute pas de vous, messieurs qui me lisez, et qui êtes j’en suis certaine des modèles sur l’égalité des genres, la répartition équitable des tâches ménagères, la sensibilité écologique, etc.
Et oui, je connais beaucoup d’hommes cyclistes domicile-travail et/ou ultra-impliqués dans la gestion du quotidien et/ou Papas-gâteaux-gouters-fête de l’école-animateurs et/ou réparateurs hors pair de tous engins et/ou végétariens et/ou adeptes inconditionnels du bio et/ou… etc.
Et d’ailleurs, quand je discute de quotidien, vert ou pas, et de charge mentale, avec toute femme qui vive en couple mixte, c’est exactement ce qu’on se dit à chaque fois :
- « faut qu’il arrête avec le ménage, il est limite maniaque, l’aspi le dimanche matin juste après le ‘tit dej au moment où je regarde téléfoot, ça me gonfle!! »,
- « trop bien, mon homme s’arrange à chaque fois pour laver et sécher mon legging de sport avant ma séance de la semaine »,
- « j’ai jamais besoin de faire de liste de courses, il checke les placards avant d’aller à la biocoop. Il a même pensé à mes protections féminines » (non, sans rire, ça vous serait déjà arrivé par hasard???),
- « la dernière vérification chez le dentiste pour les petits? Tu rigoles, il s’en est occupé de A à Z : y penser, prendre les rendez-vous, les accompagner… »
- « j’ai vérifié les équipements des mioches, toutes les courses de fournitures sont faites. Et il a même acheté un manteau d’hiver pour le petit dernier, cool ».
Je rappelle qu’en moyenne et en général, la répartition équitable homme-femme de la charge mentale et des tâches dans les foyers classiques (et au taf aussi d’ailleurs…) est encore un but à atteindre. Et donc, je parle et vais parler de moyenne et en général.
Par ailleurs, pour celles et ceux qui ne connaitraient pas la notion de « charge mentale » et donc de « charge mentale verte » par extension, je vous encourage vivement à ouvrir le lien ci-dessous dans une autre fenêtre, et à aller vous régaler, quand vous aurez fini de me lire bien sûr :
https://emmaclit.com/2017/05/09/repartition-des-taches-hommes-femmes/comment-page-1/
Fin du disclaimer.
Une modernité simplificatrice de vie quotidienne
Pour faire court (et histoire de bien caricaturer), après la seconde guerre mondiale, au lieu de se mettre aux fourneaux, au ménage, à la gestion des gosses et du quotidien, les mecs ont inventé des produits et machines qui permettaient aux femmes :
- de passer moins de temps en cuisine : plats préparés sous vide ou surgelés, vaisselle jetable, lave-vaisselle, robot de cuisine…
- d’être plus efficaces dans les tâches de nettoyage : aspirateur, lave-linge, sèche-linge…
- de moins se prendre la tête grâce à des produits à usage unique : l’essuie-tout, les mouchoirs en papier, les couches jetables, les serviettes hygiéniques jetables, et plus récemment les lingettes jetables pour tout, etc.
J’arrête là le topo, c’est très grossier, mais vous voyez l’idée.
La majorité de ces machines, de ces produits de consommation courante ou de ces comportements (plats préparés) ont permis, au-delà de l’augmentation du confort de beaucoup de foyers, la « libération » partielle de la femme des tâches ménagères qui lui étaient / sont (cocher la bonne case selon votre situation) traditionnellement réservées.
Une modernité consommatrice d’énergie et de ressources
Ces facilitateurs de vie quotidienne sont souvent à usage unique, ou en plastique, ou consommateurs d’énergie. Et une démarche écolo ou zéro déchet finit par les remettre en question… avec le risque que la charge mentale associée à l’abandon de ces objets se reporte sur la personne du foyer la plus motivée sur le sujet, alourdisse ses tâches et donne l’impression de « revenir 50 ans en arrière » :
- cuisiner des produits frais et locaux est plus demandeur que d’ouvrir une boite de conserve,
- passer prendre le panier de légumes de l’AMAP nécessite une étape supplémentaire par rapport à un plein de courses de la supérette,
- faire le ménage avec des chiffons qu’il faudra laver demande un geste supplémentaire par rapport à une lingette qu’on jette (lingettes que l’on jette dans la poubelle, bien sur, jamais dans les toilettes hein!!),
- trier les déchets demande une seconde de plus que de tout benner dans le même réceptacle, idem quand on a un compost, une récupération de bouchons, de piles, etc. Il faut trier, puis il faut penser à aller vider/déposer là où c’est possible.
- ranger les courses de vrac demande dans l’idéal de penser à prendre ses petits sacs en toile ou ses récipients, ses flacons rechargeables, et de tout remettre dans les bocaux dédiés en rentrant,
- sécher le linge au naturel demande de l’étendre au lieu de l’enfourner dans le sèche-linge,
- utiliser des torchons plutôt que du sopalin, des cotons lavables pour le démaquillage, des protections féminines ou pour bébé lavables, demande quelques lessives de plus à l’année,
- acheter en seconde main nécessite de passer du temps à chercher sur les sites de petites annonces ou dans les ressourceries, plutôt que de faire une commande en deux clics sur internet,
- faire ses produits DIY nécessite… de les faire et prend plus de temps que d’acheter de la lessive / du deo / autre en bidons plastiques.
- plus généralement, adopter des petits gestes verts nécessite de « penser à » et d’anticiper…
Equilibre entre quotidien écologique et égalité dans les foyers…

Adopter des gestes verts se fera de façon fluide dans un foyer où les deux critères, nécessaires à mon sens, de répartition équitable des tâches, et de motivation partagée sur le sujet écologique, sont des évidences.
Dans le cas où la motivation verte et la répartition équitable des tâches ne sont pas là, la charge mentale verte vient trop souvent alourdir une condition féminine qui reste encore largement inégale… Et dans ce cas, on fait quoi? On laisse tomber pour éviter qu’une part de la population féminine ait une charge mentale encore plus lourde?
Adopter des gestes écologiques ne doit pas se faire au détriment d’autres valeurs, et ici, de l’égalité au sein des foyers. Je l’avais évoqué dans Chocolat « bion » vs chocolat « deguindustriel » : l’aspect écologique vient se rajouter à la liste, souvent déjà longue, des critères qui dictent nos choix quotidiens. Et j’ai comme l’impression que la bascule d’un débat d’écologie familiale à des discussions féministes peut être assez rapide…
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